19 juin, 2011

La vie est belle






Si la naissance du film "Train de vie" a été quelque peu difficile, ce n'est rien à côté d'un autre film sur la Shoah. Il y a presque trente ans, Jerry Lewis se lançait dans un projet fou, celui de tourner un film sur l'Holocauste intitulé "le Jour où le clown pleura".




A première vue, ce long métrage de fiction tenait plus du mélo que de la comédie. Difficile de le savoir, il n'a jamais été distribué.

Mais le réalisateur-acteur a raconté cette histoire dans un livre: Jerry Lewis in Person, coécrit en 1982 avec Herb Gluck (ed. Athenum).
Il y explique qu'en 1965, son agent lui a apporté un scénario de Joan O'Brien. Le personnage central en était Helmut Doork, surnommé Helmut le Grand, un clown très fameux en Allemagne, qui démolissait son talent en buvant pour cacher sa haine du régime nazi. Un jour, Helmut a été arrêté par la Gestapo. Interné dans un camp de la mort, il a été utilisé par les SS pour mener les enfants à la «douche», aux chambres à gaz. Avec ses simagrées et ses gags, il devait les empêcher de réclamer leur mère. «C'est un script qu'on n'oublie pas», ajoute Lewis. Mais il a refusé alors d'y travailler parce qu'il n'était pas prêt (Benigni aurait fait la même réponse à Radu Mihaileanu).



En 1971, le réalisateur du" Chéri de ces dames "et du" Zinzin d'Hollywood "arrive à Paris. Il dîne avec Chaplin, est reçu à la Cinémathèque par Henri Langlois.

Il se produit dans un one man show à l'Olympia. Un soir, dans sa loge, il reçoit un message d'un producteur français qui lui annonce qu'il a fait affaire avec Joan O'Brien et ajoute: «Nous sommes d'accord que vous êtes le seul qui puisse incarner Helmut comme elle l'imagine. Puis-je avoir votre accord pour être le réalisateur et la vedette de ce film




Jerry y repense. L'Holocauste a toujours été une énigme pour lui. Il se demande encore comment le monde entier n'a pu empêcher le massacre de six millions de Juifs. Il se dit aussi qu'il saurait rendre le désespoir d'Helmut. Même si ce n'est pas un défi facile. Il demande donc au producteur qui doit financer le film. «Moi et une société suédoise», lui répond-il. Lewis commence alors sa propre recherche. Il raconte qu'il va à Belsen, Dachau et Auschwitz. Il y fait la connaissance de Hans Geibler, un homme de 70 ans, qui autrefois mettait en marche les chambres à gaz. Ce type, qui fait pénitence depuis, s'en veut à tout jamais de son passé; Lewis le charge d'être son conseiller technique pour le Jour où le clown pleura.


Tournage en Suède. Pour se préparer à son rôle, l'acteur perd 17 kilos en six semaines. Et il commence à tourner en Suède. Les scènes de camp sont filmées sur une base militaire. «Je pensais que le Jour où le clown pleura pouvait aider mes semblables à ne pas lâcher prise dans l'adversité la plus absolue. Helmut nous aurait enseigné cette leçon. C'était tout ce que je voulais faire, un film qui nous fasse nous souvenir.»


Après deux semaines de tournage, les problèmes financiers commencent. Selon Lewis, les fournisseurs s'impatientent. Eastman, qui envoie la pellicule, n'a jamais touché un sou. Pire, les membres de l'équipe et même certains acteurs sont payés avec des chèques en bois. A Stockholm, le New-Yorkais passe une bonne partie de son temps au téléphone à essayer de joindre son producteur en France. Quand il le contacte, celui-ci lui dit: «Mais Jerry, payez, je vous rembourse par retour de courrier.» Lewis avance l'argent. Il ne sera jamais remboursé. La situation devient chaque jour plus tendue. Il tourne la dernière scène, une sorte de remake du joueur de flûte d'Hamelin. «Quand j'y pensais, j'étais pétrifié.»
Jusqu'à aujourd'hui, le Jour où le clown pleura n'a jamais été distribué. Problèmes de droits entre, d'un côté, Joan O'Brien et Jerry Lewis, et, de l'autre, le producteur français. «Je ne possède que les trois dernières scènes du film, explique Jerry Lewis dans son livre. J'espère qu'un jour le public le verra. Chaque enfant dans le monde doit savoir que quelque chose comme l'Holocauste a existé.»



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