Peut-on parler de miracle ? Cinquante ans après la sortie des Tontons flingueurs, Georges Lautner le pense d'une certaine manière. "Il n'est pas crédité au générique mais, avec le recul, je suis sûr que le petit Jésus était coproducteur du film." Un demi-siècle plus tard donc, le cinéaste de 87 ans n'explique toujours pas le statut de film culte de cette oeuvre en noir et blanc haute en couleur. Toujours aussi modeste que lorsqu'il tournait, Georges Lautner évoque volontiers ces Tontons... qui font désormais partie du patrimoine, mais lorsque vous lui demandez "anecdotes", il vous répond "équipe" ou "bonne ambiance". Pas de quoi toujours satisfaire la curiosité des milliers d'aficionados de Fernand Naudin, des frères Volfoni ou de Maître Folace. Pourtant, en insistant un peu, un souvenir en entraînant un autre, le réalisateur de Flic ou voyou (1979) est le premier à s'amuser de cette époque bénie où les "Touche pas au grisbi, salope !" succédaient à "Les cons, ça ose tout. C'est même à ça qu'on les reconnaît".
Dynamiter les codes
En 1963, à 36 ans, Georges Lautner est encore considéré comme un jeune réalisateur. Mais il a déjà une bonne réputation de metteur en scène éclectique, enchaînant aussi bien les fLe septième juré (1962), avec Bernard Blier et Francis Blanche - que les comédies drolatiques comme la série des Monocle, avec Paul Meurisse, dans laquelle le cinéaste s'amuse à détourner les codes d'un genre a priori très sérieux, l'espionnage. C'est justement cet aspect-là qui intéresse Alain Poiré, le grand patron des productions à la Gaumont. "Il m'a tout de suite fait confiance, se souvient Georges Lautner. Michel Audiard, l'un des grands dialoguistes vedettes de ces années-là, lui avait parlé d'un bouquin d'Albert Simonin, Grisbi or not grisbi, sur lequel il travaillait et il avait pensé à moi pour le réaliser. Dans les années 1960, les polars 'à la française' squattaient les écrans ; c'était souvent 'cigarettes, whisky et p'tites pépées' sur fond de Pigalle. Dès le départ, Audiard a voulu dynamiter tous ces codes. Je ne suis pas sûr que Simonin en ait été très conscient au début."
ilms dramatiques -
Lautner et Audiard se connaissent depuis le tournage de Courte-tête de Norbert Carbonnaux, en 1956. "J'étais assistant, mais comme j'avais une maison à la campagne, Norbert venait souvent travailler chez moi en compagnie de Michel, qui signait les dialogues. On s'est vite rendu compte qu'on avait le même sens de la déconnade et de la dérision. Déjà, mon idée n'était pas de frimer à la caméra, mais de mettre la réalisation au service du texte. Je pense que ça a bien plu à Michel qui l'a gardé dans un coin de sa mémoire." Les deux hommes ont aussi le même amour pour les comédiens. L'un pour la façon qu'ils ont de "balancer" ses textes qui ne supportent pas, contrairement aux apparences, l'approximation. L'autre, lui-même fils d'une actrice, Renée Saint-Cyr - la patronne de la thalasso dans laquelle travaille Miou Miou dans Attention une femme peut en cacher une autre (1983), c'est elle -, a toutes les indulgences du monde pour ces artistes à qui il apportait des sandwiches comme stagiaire au lendemain de la guerre et il est aussi sensible à leurs faiblesses "qu'ils essayaient de cacher au fond de leurs loges".
texte par Jean-Pierre Lacomme et suite ici .
lire aussi la superbe ITW de Maurice Fellous, l'opérateur du film ici .
.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire